Raid des Alizés: ensemble et contre tout, trois femmes pour un défi symbolique
Empêtrées dans la gadoue et cinglées par le vent, Sonia, Carole et Alexia sortent du brouillard, exténuées, après avoir gravi la Montagne Pelée en Martinique dans cette course réservée aux femmes. Un symbole fort pour ces trois amies dont l'une est en attente d'une greffe de rein et souffre d'un cancer du sein.
Point culminant de l'île antillaise, le volcan haut de 1.395 m l'est aussi pour le Raid des Alizés, cette course d'aventure féminine de quatre jours qui s'est tenue la semaine dernière, où 159 femmes crapahutent, pagaient, nagent par équipe de trois. Mais aussi pleurent, rient et frissonnent dans des moments intenses et rares.
"Je n'imaginais pas au mois d'août, après ma deuxième opération, que je serai là aujourd'hui. Sincèrement. J'ai bousculé tous les oncologues pour être prête pour partir !", souffle Sonia Latapie, à qui il a été diagnostiqué un cancer du sein en juin alors qu'elle se préparait pour ce défi sportif pour sensibiliser sur l'insuffisance rénale dont elle est atteinte.
Car depuis l'âge de 3 ans et demi, cette contrôleuse aéronautique de 48 ans vit avec un rein atrophié. "D'hôpitaux en hôpitaux et de traitements en traitements" comme elle le raconte, elle espère une greffe, qui doit se faire encore attendre en raison de son cancer.
"Tout ça, ça fait beaucoup trop. Mais j'ai réussi à arriver jusqu'ici. Et toutes ces histoires de femmes durant le Raid des Alizés, ça me nourrit, ça me fait du bien", appuie Sonia Latapie, venue des Hautes-Pyrénées pour sa troisième participation avec son amie depuis 15 ans, Carole Loussalez, et Alexia Elineau, rencontrée lors d'une précédente édition de la course en 2021.
Ensemble, elles ont veillé les unes sur les autres pour dévaler des routes sinueuses sur leur VTT, parcourir les 20 km sur la Montagne Pelée en plus de 6 heures 30, fendre les eaux à bord de leur kayak rouge et or et courir près de 5 km dans la forêt tropicale, de l'eau jusqu'aux genoux.
Elles ont aussi enduré une pluie incessante la journée qui s'est transformée en torrent lors d'une nuit, inondant leur tente de bivouac.
Entre le vert de la riche flore de l'île aux fleurs et le bleu de la mer, elles ont tracé leur sillon, en quête de sens.
- "Sens de la vie" -
"C'est un raid qui est vraiment sur la symbolique, on vient pour des questions de sens de la vie. C'est aller chercher ce qu'on a de meilleur en soi, c'est aussi un révélateur de ce que tu es comme être humain", souligne Alexia Elineau, 45 ans et conseillère en investissements financiers, "hyper touchée" d'aider Sonia Latapie à réussir ce défi.
Et pour mieux l'accompagner, la Landaise a tenu à comprendre ce que signifiait avoir un rein qui fonctionne mal. "Toutes les fois où je fais du sport c'est comme si c'était la première fois", lui a répondu Sonia Latapie.
Carole Loussalez, seule brune de la bande, est elle portée par un adage: "Tout seul on va plus vite mais ensemble on va beaucoup plus loin."
Conseillère patrimoniale financière, la quinquagénaire a vécu les doutes de Sonia, quand le cancer a été détecté. Mais elle n'a cessé de soutenir son amie et continué à s'entraîner à ses côtés.
Et même si elle a pesté et juré bien fort durant l'ascension de la Montagne Pelée, en hurlant parfois: "Mais quand est-ce que ça s'arrête?!", Carole Loussalez a vécu "un truc de dingue" aux côtés de 52 autres trios.
L'aventure s'est finie des larmes plein les yeux. La douleur qui se lit sur son visage rougi, Sonia Latapie a pris appui sur ses genoux fléchis, a soufflé puis souri.
De la boue quasi incrustée sur leurs jambes, les trois femmes, réunies sous l'appellation "Les REINes de coeur", ont célébré leur dernier passage de ligne au son de la chanson qu'elles avaient choisie pour les représenter: "Now we are free", du film Gladiator.
"Ca y est! On l'a fait!" se sont-elles félicitées, avant de s'offrir quelques jours de farniente. Puis ce sera le retour dans l'Hexagone et Sonia Latapie reprendra son immunothérapie.
O.Rodriguez--HHA