TikTok signe un accord et échappe à l'interdiction aux Etats-Unis
Le réseau social chinois TikTok a signé un accord avec des groupes proches de l'administration Trump, créant la coentreprise américaine exigée par la loi pour éviter son interdiction aux Etats-Unis, après d'interminables tractations.
Tiktok et son propriétaire, le groupe chinois ByteDance, ont signé cet accord avec trois investisseurs - le groupe Oracle du multimillardaire Larry Ellison, la société d'investissement Silver Lake et le fonds émirati MGX -, selon un mémo interne du directeur général du groupe Shou Chew, dévoilé jeudi par des médias américains et consulté par l'AFP.
Cette signature était attendue depuis septembre. Donald Trump avait annoncé un accord après d'intenses négociations avec Pékin sur l'avenir du réseau social, très prisé de la jeunesse et objet de multiples controverses à travers le monde.
Le président américain avait de nouveau prorogé, jusqu'au 23 janvier 2026, l'application d'une loi votée lors du mandat de son prédécesseur Joe Biden.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Guo Jiakun, n'a pas commenté l'accord vendredi, réaffirmant seulement que la position de Pékin sur le dossier était "cohérente et claire".
La loi de 2024, dans l'esprit des législateurs américains, entend empêcher la Chine de mettre la main sur des données personnelles d'utilisateurs aux Etats-Unis et d'influencer l'opinion via le puissant algorithme qui préside au défilement des courtes vidéos.
TikTok, qui revendique aux Etats-Unis 170 millions d'utilisateurs, a admis que des employés basés en Chine avaient eu accès à des données de certains d'entre eux, mais a assuré que rien n'avait été communiqué au gouvernement chinois.
- Majorité américaine -
La future coentreprise, nommée "TikTok USDS Joint Venture LLC", opèrera comme une entité indépendante" de TikTok "avec autorité sur la protection des données" des utilisateurs américains, "la sécurité de l'algorithme, la modération du contenu" et la conformité du réseau social, selon le mémo du directeur général de la société.
Conformément à un décret signé en septembre par Donald Trump, "la coentreprise américaine sera détenue majoritairement par des investisseurs américains, gouvernée par un nouveau conseil d'administration de sept membres dont la majorité sera américaine, et soumise à des conditions qui protègent les données des Américains et la sécurité nationale des Etats-Unis", assure le document.
Oracle, Silver Lake et MGX, réputés proches de l'administration Trump, détiendront à parts égales 45% de la coentreprise. Des investisseurs de ByteDance, dont plusieurs fonds américains, détiendront 30,1% et ByteDance les 19,9% restants.
En revanche, TikTok conservera le contrôle aux Etats-Unis de ses activités commerciales (publicité, vente en ligne, communication...) et de "l'interopérabilité mondiale" de l'application.
L'évolution ou non du contrôle de ByteDance sur ces activités de TikTok sur le sol américain n'est pas évoquée par le mémo.
"Il y a encore du travail à accomplir au fur et à mesure que nous approchons de l'échéance du 22 janvier 2026", poursuit Shou Chew.
- Accusations en Europe -
De fait, la conformité de la structure sera scrutée de près.
En septembre, le président de la commission aux Affaires chinoises de la Chambre des représentants, le républicain John Moolenaar, avait prévenu qu'il effectuerait "une revue complète" de l'accord, accusant ByteDance d'être "un acteur malveillant".
L'application, qui compte plus d'un milliard et demi d'utilisateurs, est dans le viseur de plusieurs autorités dans le monde. Elle est accusée de cantonner ses utilisateurs dans des silos via un algorithme opaque, et de favoriser désinformation et contenus illégaux, violents ou obscènes.
ByteDance n'a pas commenté officiellement l'accord.
"Maintenir l'activité américaine est en soi une victoire" pour le groupe, a déclaré à l'AFP Li Chengdong, fondateur du cabinet chinois de conseil en technologies Dolphin.
La résolution du dossier permet à ByteDance de se concentrer sur de nouveaux projets, notamment dans l'intelligence artificielle, et pourrait l'aider à se diriger vers une introduction en bourse, a-t-il ajouté.
Zhang Yi, du cabinet d'études iiMedia, a estimé pour sa part que le marché américain était d'une "importance capitale pour TikTok", mais averti que l'accord ne garantissait pas une navigation sans heurts à l'avenir.
"La partie américaine pourrait encore tirer parti de son pouvoir réglementaire (...) pour imposer des exigences injustes à TikTok", a-t-il redouté.
TikTok fait l'objet de multiples procédures dans l'Union européenne. En France, le réseau social est soupçonné de pousser les plus "vulnérables au suicide" et fait l'objet depuis novembre d'une enquête judiciaire.
Des manquements sur la protection des données, alimentant la crainte de communications aux autorités chinoises, lui ont valu une amende de 530 millions d'euros en Irlande, au nom de l'Union européenne.
Une autre procédure est en cours.
H.Brunner--HHA